4 mars 2020

Nouveau droit des marchés publics

Le chantier de la révision du droit des marchés public touche à sa fin. L’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur les marchés publics (LMP) est prévue pour le 1er janvier 2021. L’accord intercantonal (AIMP) entrera quant à lui en vigueur dès que deux cantons y auront adhéré, ce qui devrait être le cas dès la fin de l’année 2020.

Une définition des marchés publics figurera dans la loi. Un marché public sera caractérisé par les éléments suivants (art. 8 LMP/AIMP) : (1) un contrat conclu entre un adjudicateur et un soumissionnaire, (2) en vue de l’exécution d’une tâche publique, (3) de nature onéreuse, (4) un échange de prestations et contre-prestations, le soumissionnaire fournissant la prestation caractéristique.

Par ailleurs, la délégation d’une tâche publique ou l’octroi de la concession seront soumis au droit des marchés publics lorsque le soumissionnaire se voit accorder des droits exclusifs ou spéciaux qu’il exerce dans l’intérêt public contre une rémunération ou une indemnité directe ou indirecte (art. 9 LMP/AIMP). A contrario, les concessions qui ne concernent en rien un intérêt public ne seront pas visées.

Il faut préciser que les délégations et concessions seront assujetties aux dispositions qui régissent les marchés publics non soumis aux accords internationaux. La mise en concurrence n’aura donc pas à être ouverte aux étrangers, quelle que soit la valeur du marché.

La notion de « tâche publique » n’est pas définie. Selon certains auteurs, on entend par là un mandat constitutionnel ou législatif que l’Etat doit accomplir, voire qu’il se doit de garantir, si elle est confiée à un acteur. D’autres adoptent une acception plus large en englobant toutes les activités exercées dans l’intérêt général. La notion – imprécise – implique un certain flou quant au champ d’application de cette disposition.

A noter que dans le cas de délégation d’une tâche publique ou l’octroi de la concession, la protection est restreinte puisqu’un recours ne pourra tendre qu’à faire constater qu’une décision viole le droit fédéral, une annulation n’étant donc pas possible.

S’agissant des procédures, il y a également quelques nouveautés :

  • Le dialogue compétitif (art. 24 LMP/AIMP) : il permettra à l’adjudicateur d’engager avec les soumissionnaires un dialogue visant à concrétiser l’objet du marché ainsi qu’à développer et à fixer les solutions ou les procédés applicables. En d’autres termes, dans des marchés complexes, il consiste à préciser avec les soumissionnaires l’objet et les solutions du marché à passer. Le dialogue mettra à profit le savoir-faire et l’expérience des soumissionnaires pour concrétiser les exigences formulées par l’adjudicateur quant au but du marché ou les solutions ou procédés proposés par les soumissionnaires.

Cet instrument peut être utilisé dans les procédures ouvertes ou sélectives. Il n’est pas envisageable dans le cadre d’une procédure sur invitation.

Le dialogue ne peut pas porter sur le prix sous peine de violer le principe d’interdiction des négociations. Il s’agit d’une phase préalable à la soumission des offres, lesquelles, sous leur forme définitive, seront déposées après la clôture du dialogue, sur la base des critères d’adjudication annoncés dans l’appel d’offres.

  • Les enchères électroniques (art. 23 LMP/AIMP) : cela ne se prête qu’aux prestations standardisées et le choix de l’adjudicateur ne peut intervenir que sur la base de critères purement quantifiables, comme le prix lorsqu’il s’agit du critère utilisé.
  • Le contrat cadre (art. 25 LMP/AIMP) : à la suite d’un appel d’offres, les contrats-cadres sont adjugés préalablement par une décision sujette à recours. Les contrats ultérieurs, conclus dans les limites du contrat-cadre, échappent en revanche à une décision d’adjudication et toute contestation y relative sera soumise au droit privé.

Concernant les conditions de participation (art. 12 LMP/AIMP), le nouveau droit consacre le principe général de respecter les dispositions relatives à la protection des travailleurs, des conditions de travail et de l’égalité femmes-hommes. La protection de l’environnement et la préservation des ressources naturelles sont également érigées en principe général.

S’agissant des critères d’aptitude (art. 27 LMP/AIMP), ils doivent être objectivement nécessaires et vérifiables pour le marché concerné (art. 27 LMP/AIMP). Outre les capacités professionnelles, financières, économiques, techniques et organisationnelles, il est possible de prendre en compte l’expérience (art. 27 al. 2 LMP/AIMP). Ce critère pourra donc être pertinent tant au stade de l’examen de l’aptitude qu’au stade de l’évaluation des offres. Cela étant, si un soumissionnaire présente une certaine expérience qui n’est pas parfaitement en adéquation avec la prestation commandée, l’on ne saurait l’exclure pour cause d’inaptitude. C’est au stade de l’adjudication que la qualité de l’expérience sera prise en compte.

Quant aux critères d’adjudication (art. 29 LMP/AIMP), l’adjudicateur évalue les offres sur la base de critères d’adjudication en lien avec les prestations. Il prend notamment en considération, outre le prix et la qualité de la prestation, des critères tels que, l’adéquation, les délais, la valeur technique, la rentabilité, les coûts du cycle de vie, l’esthétique, le développement durable, la plausibilité de l’offre, les différents niveaux de prix pratiqués dans le pays où la prestation est fournie, la fiabilité du prix, la créativité, le service après‐vente, les conditions de livraison, l’infrastructure, le caractère innovant, la fonctionnalité, le service à la clientèle, les compétences techniques et l’efficacité de la méthode.

On notera que le marché doit être adjugé au soumissionnaire qui a formulé l’offre « la plus avantageuse » (art. 41 LMP/ AIMP) et non « la plus avantageuse économiquement ». Le prix et la qualité seront désormais sur un pied d’égalité. Par ailleurs, les critères de durabilité – qui sont considérés comme étrangers au marché selon le droit actuel – pourront entrer en ligne de compte.

Enfin, la rectification des offres sera possible à deux conditions alternatives (art. 39 LMP/AIMP) : (a) aucun autre moyen ne permet de clarifier l’objet du marché ou les offres ou pour rendre les offres objectivement comparables sur la base des critères d’adjudication ou (b) si des modifications des prestations sont objectivement et matériellement nécessaires étant précisé que, dans ce dernier cas, la prestation caractéristique et le cercle des soumissionnaires potentiels ne sauraient être modifiés. Il faudra bien entendu garder à l’esprit le respect des principes de transparence, d’égalité de traitement et de concurrence efficace.

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